Istorioù Breizh, autres temps en Bretagne…

Publié le par envazao

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Istoriou Breizh, c’est le nom d’une nouvelle série proposée par France 3 Bretagne à-partir du 10 octobre 2010. La série-fiction événement en langue bretonne, ainsi est décrite cette nouvelle série de 10 épisodes filmés sur une période de 30 jours et sous la direction de Luc David,  c’est-à-dire le gars derrière Un gars et une fille.

 

Après Jean, le  chouchou Dujardin et Alexandra Lamy alias Loulou voici venir Tifenn Linéatte, de Plougastel-Daoulas. Elle est flanquée de Guy Moign, un habitué du Caveau de la Huchette à Paris où il a longtemps joué dans la cantatrice chauve. Ici point de batifolages urbains ni de théâtre de l’absurde mais la riche histoire de la Bretagne avant la révolution française. Il y est question de mythes et de réalités : autant dire un vaste champs de choux gras à la place d’un vaste champs de ruines, à l’heure où il est de bon ton de réviser ou revisiter à tous crins l’Histoire et ses vieux standards. Anna Bleiz emprunte son nom à Anne De Bretagne, cette jeune célibataire (on s’en serait douté) est campée par Tifenn Linéatte, belle brune aux yeux noirs ayant poussé au pays des fraises de Plougastel. Anna Bleiz partage son temps de jeune chercheuse entre « la faculté d’histoire des mentalités » de Rennes et des recherches sur le terrain dans le sillage de Loeiz Le Meur, vieux garçon qui sent bon le tabac à pipe et une certaine mauvaise foi éprise de rancœur face aux ennemis héréditaires du vieux pays de ses ancêtres : les francs, les vikings, les anglo-saxons et tout ce qui ne tient pas de l’hermine à la robe étincelante. Ainsi mène-t-il à grands pas la jeune chercheuse sur les traces du marquis de Pontcallec ou sur celles du père Gerard, révolutionnaire méconnu originaire du pays gallèsant de Montgermont (rebaptisé Menez Gerven pour l’occasion).

 

Travail d’acteurs

Le producteur Olivier Roncin, président de Pois Chiche Films,  nous dit sans ambages que le choix des acteurs a davantage été guidé par la justesse du jeu que par la qualité du breton parlé. S’il est indéniable qu’il y a eu vrai travail de prononciation et d’accentuation pour les acteurs principaux, on peut toutefois regretter que cela « patine » parfois en-direction d’un breton teinté d’intonations françaises et de néologismes propres à un monde qui aime à s'auto-proclamer « brittophone » aujourd’hui. Sans doute est-ce un phénomène compensatoire qui est à l'oeuvre, le résultat d’une « assistance de proximité » exercé hors-champs auprès des deux acteurs principaux par des locuteurs reconnus pour la qualité de leur breton oral. L’accentuation peut en effet apparaître excessive et exagérée par moments, les protagonistes ne maîtrisent pas forcément leur rôle parlé et à ce jeu c'est encore Guy Moign comédien rompu qui s'en sort le mieux, ou le moins mal. Au crédit d'acteurs pour qui le breton constitue soit une nouveauté soit un lointain écho d'un breton entendu naguère, il est bon de rappeler la difficulté de se détacher de sa langue maternelle à l’écrit comme à l’oral.

 

Dialogues traduits du français

Olivier Roncin affirme au Nouvel Obs que la survie du breton sera audio-visuelle ou ne sera pas. On peut alors regretter une certaine désinvolture des personnes-cadres de l’écriture et de la production tant ils paraissent prendre à la légère la langue bretonne.  En témoigne mardi dernier lors de l'avant-première à Plougastel ce fameux moment notoire où le public majoritairement bretonnant donne le change en partant d'un rire gêné. Nous gagne alors une impression de déjà-vu déjà-entendu à entendre ce qui suit : « je ne parle pas breton, mais je parle français ». Dixit la production et le script. On passerait volontiers là-dessus. Mais il ne valait pas vraiment la peine que les deux cadres rajoutent sur un ton badin :  « on a fait confiance aux dialoguistes ». Les dialogues ont d'abord été conçus en français puis traduits en breton, of course.  On peut cependant objecter qu’il existe des écrivains bretonnants qui manient la plume ou le clavier... en langue bretonne VOST (Version Originale Sous-Titrable). Mais il est sans doute ici question de réseaux de production où ils ne peuvent prétendre s'inscrire. Les écrivains ne valent sans doute pas assez cher pour une série qui a coûté tout près d'un million d'euros, neuf-cent quarante-mile pour être précis !

 

Gwenn Ha Du à la moulinette

C’est sur le créneau « Red An Amzer », le rendez-vous dominical des bretonnants et de ceux qui apprennent le breton, que sera diffusé « Istorioù Breizh ». Sur le plateau intervient Louis Elegoët, chercheur fort apprécié par les bretonnants de naissance pour sa capacité à partager ses connaissances tout en sortant d’une démarche de recherche universitaire quelque peu élitiste. En plus de la mise à plat de légendes prêtant à l’édification nationaliste de masses bretonnes (perpétuellement indifférentes à tout mouvement d’émancipation sur fond de gwenn-ha-du), c’est aussi le côté suranné et coupé du peuple de l'érudition universitaire, institution publique qui est passée à la moulinette dans Istorioù Breizh, qui s’en plaindra ? Mais à ce prix cependant, on pourrait comprendre quelque "chagrinage" chez des contribuables-bretonnants dont le budget et la langue sont aujourd'hui entrés en phase de dénuement.

 

Publié dans télé

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